TURCO-MONGOLES (LANGUES ET LITTÉRATURES)

TURCO-MONGOLES (LANGUES ET LITTÉRATURES)
TURCO-MONGOLES (LANGUES ET LITTÉRATURES)

Les langues turques et mongoles présentent un certain nombre de caractères communs qui les font considérer comme étroitement parentes, et il a été convenu depuis le milieu du XIXe siècle de leur donner le nom de langues altaïques, du nom des monts Altaï qui auraient été le berceau des peuples turco-mongols. Plus tard, on leur adjoignit le tongouse, et, finalement, les linguistes de la fin du XIXe siècle créèrent un vaste groupe ouralo-altaïque. Cependant, certains spécialistes estimèrent que ce groupe était factice et jugèrent avec juste raison que les langues finno-ougriennes ou ouraliennes constituaient un groupe indépendant et que les langues altaïques en formaient un autre, où Ramstedt voulut faire entrer le coréen; Vladimircov établit en 1929 un arbre généalogique dans lequel il voulait faire figurer le mongol et le turc comme issus du mongol commun et du turc commun, lesquels remontaient à une prélangue altaïque par l’intermédiaire d’un turco-mongol commun. Malheureusement, il oubliait des langues comme le khitan, qui, bien que très imparfaitement connu, semble présenter une forme très archaïque du mongol, ou le tabghatch (Wei), ce parler, très vraisemblablement apparenté au turc, qui fut noté par les Chinois. Il s’agit là de langues issues probablement de la même souche, mais qui s’étaient différenciées très tôt pour former des groupes distincts, l’un du mongol, très palatalisé, l’autre du turc.

À vrai dire, il y a peut-être un degré très lointain de parenté entre les langues turques, mongoles, tongouses et le groupe finno-ougrien, mais, dans la situation présente des connaissances, il est prématuré de vouloir y chercher des liens de parenté, et l’on doit se contenter d’étudier les emprunts qui ont pu être faits par les langues turques de Sibérie au samoyède, celles de la Volga au finno-ougrien et même l’osmanli au hongrois, comme les emprunts faits par les langues turques, et en particulier le turc de la période ancienne, aux langues des peuples avec lesquels ils ont des contacts.

La littérature mongole apparaît seulement au XIIIe siècle, soit donc environ cinq cents ans plus tard que la littérature turque. Elle paraît se présenter sensiblement dans les mêmes conditions, ayant reçu des Ouïgours l’alphabet qui lui était nécessaire de même que les Turcs avaient reçu le leur de l’araméen par l’intermédiaire de l’Iran. Mais ce ne sont là que des apparences, car la littérature turque connut à haute époque deux aspects, l’un principalement ouïgour avec une littérature en grande partie de traductions, alors que l’autre s’incorpora au monde musulman et subit des influences du monde arabo-persan. En effet, si la littérature mongole reçut dans ses débuts des apports du monde ouïgour, elle fut par la suite nettement influencée par le monde chinois, puis par la littérature tibétaine, en attendant de tomber dans l’orbite sino-mandchoue dès le XVIIe siècle. Cependant, un fait différencie la littérature des Turcs de celle des Mongols: c’est que, chez ces derniers, se sont conservées une série de chroniques dont la première apparaît dans les environs de 1240; le genre se perpétuera jusqu’à nos jours. Dans le monde turc d’Asie centrale rien de tel n’a subsisté, sans doute par suite de l’importance des œuvres historiques arabes et persanes qui amena le monde turc à renoncer jusqu’à Babour à ce genre littéraire.

1. Langues

Origines des rapports

La période orale

Les débuts des rapports ethniques entre Turcs et Mongols remontent à une période très ancienne; il est possible qu’ils datent de l’époque où les cultures du Baïkal florissaient, au Ier millénaire et même à la fin du IIe millénaire avant l’ère chrétienne. C’est à ce moment que les ancêtres des Turcs amorcèrent leur progression vers le sud et vers l’ouest, bousculant des peuples d’une autre appartenance qui occupaient la vallée de l’Iénisseï, la Touva et la Mongolie, depuis les confins de l’Altaï jusqu’aux confins de la future Mandchourie. Aucun monument écrit n’a été conservé et le seul mot qui ait subsisté en transcription chinoise à haute époque, le mot Kun qui peut représenter un original Kun / un , peut être rapproché du nom des Huns, en grec 﨑礼羽益( 礼晴), en sogdien 﨑wn , en sace et en sanskrit H na , etc.; ce mot se retrouve au VIIe siècle dans le chinois Hun ( 塚u face=F3210 易n) qui représente le nom d’une tribu de l’Altaï. Louis Bazin le rapproche du suffixe turc -gun , qui concerne les groupements humains, et aussi, selon toute vraisemblance, du mongol gü’ün kümün homme»), bien que, dans ce dernier cas, il y ait une difficulté par suite de la différence de classe des voyelles. La langue des Wei, parlée dans la Chine du Nord entre 386 et 556, est tout à fait particulière; elle ne semble pas être une langue turque mais paraît être issue de la même souche, à une époque assez haute, et s’être différenciée des parlers turcs, probablement sous l’influence de langues dont la nature nous échappe. Il en est de même de celle des Xianbei dont une branche (les Tuyu 塚un) s’est installée au IVe siècle dans les steppes du Kökö-nor; la langue de ces derniers est mal connue, mais P. Pelliot a montré qu’il s’agissait d’une langue mongole dans laquelle le pronom de la 2e personne se prononçait face="EU Caron" カu et non face="EU Caron" カi comme en mongol; ce fait tendrait à prouver que la forme ancienne supposée ( ti face="EU Caron" カi ) avait déjà pris la valeur de face="EU Caron" カi au IVe siècle, montrant la stabilité de la langue mongole pendant plus d’un millénaire.

En fait, la situation géographique des peuples turcs, vraisemblablement héritiers des peuples auteurs des cultures anciennes de la région du Baïkal, dut les mettre de bonne heure en contact assez étroit avec ceux qui allaient devenir les Mongols. En même temps, les Turco-Mongols eurent des relations avec les peuples de langues indo-européennes qui, à cette époque, occupaient toute l’Asie centrale et une partie de la haute Asie, en particulier avec ceux du groupe iranien (face="EU Acute" えaka) et avec ceux du groupe agno-koutchéen, appelé d’abord «tokharien». Le mot tümän («dix mille»), commun au turc et au mongol, est un emprunt au koutchéen tumane , tmane , à l’agnéen tm ュ.

Du fait des contacts avec le monde indo-européen, un bon nombre de mots de civilisation sont passés de l’indo-européen (branche iranienne) dans les langues turco-mongoles; certains noms de métaux, d’animaux, des termes techniques, etc.; leur étude est en cours. D’autre part, la découverte par les chercheurs soviétiques (face="EU Caron" アlenova), dans le bassin de Minousinsk, de toponymes de type indo-européen, qui malgré la turquisation de ce secteur ont survécu près de quinze siècles, paraît confirmer cette remarque.

Le turc et le mongol, langues écrites

Le turc, en tant que langue écrite, apparaît au moment où les Tujue (T’ou-kiue, Türk) se manifestent dans le champ historique en haute Asie. À cette époque, une partie de l’Asie centrale était occupée par des Indo-Européens dont la langue est connue. Dans le bassin du Tar 稜m oriental et à Tourfan étaient installés les peuples «tokhariens» qu’il est préférable de nommer Koutchéens, à Koutcha et à Tourfan, et Agnéens, à Qarashahr (Agni); ces peuples parlaient et écrivaient des langues très particulières qui n’appartenaient pas au groupe satem , mais au groupe centum , c’est-à-dire qu’elles étaient nettement apparentées aux langues italo-celtiques. Dans l’ouest du bassin du Tar 稜m vivaient les descendants des えaka, dont la langue a reçu le nom de khotanais, du fait des découvertes faites dans la région de Khotan; il se peut que d’autres descendants des えaka aient vécu alors sous des noms divers dans la région montagneuse du Tianshan; de plus, les Sogdiens avaient essaimé le long des routes commerciales de l’Asie centrale orientale et de la haute Asie, apportant avec eux leur langue et leurs croyances religieuses (bouddhisme, manichéisme, nestorianisme), en même temps que d’autres Iraniens suivaient les mêmes voies, employant entre eux leur langue, le moyen iranien; ils créaient alors de petites communautés et même de véritables colonies dont l’influence culturelle se répandait.

Les Tujue (Türk), qui semblent s’être constitués dans l’Altaï, occupèrent rapidement la Mongolie actuelle, avec pour centre administratif – pour autant qu’un état nomade puisse en constituer un – la vallée de l’Orkhon, région où les souverains des anciens Xiongnu avaient installé leur cour. C’est en 552 que le chef des Türk, Boumïn, secondé par son frère Istämi, vint à bout des Avars qui disparurent de la scène politique. Il prit alors le titre de qaghan mais mourut au lendemain de son triomphe. Ce fut son fils Mou-han (553-572) qui, très vite, étendit son autorité jusqu’à la frontière chinoise, tandis qu’il soumettait les peuples turcs ou mongols de la Mongolie orientale, de la région du Baïkal et de la Sibérie méridionale (bassin de Minousinsk); en même temps, son oncle, qui avait pris le titre de yabu porté déjà par des princes nomades dès avant l’ère chrétienne, écrasait les Hephtalites (565 env.), puis occupait, outre la Dzoungarie actuelle et le pays de l’Irtych et de l’Imil, les régions arrosées par le Youldouz, l’Ili, le Tchou et le Talas jusqu’à proximité de la Transoxiane. La première dynastie issue de Boumïn et d’Istämi étendit son autorité jusqu’au nord de la mer Noire et jusqu’en Bactriane (Tokharestan), mais très rapidement se divisa, sous la descendance des deux fondateurs, en deux empires souvent rivaux, ce qui causa sa ruine, et cela de par l’activité de la diplomatie chinoise. Dès 630, l’empereur des Tang anéantit l’empire des Türk orientaux pour cinquante ans (630-682); en 651, l’empire des Türk occidentaux s’effondrait à son tour et Taizong disposa alors de la totalité du monde turc. Cependant, si la famille A-che-na était écartée du pouvoir, il n’en est pas moins vrai que de 665 à 683 les Tang virent leur autorité disparaître peu à peu, et finalement un chef de bande, Qoutlough, assisté d’un ministre remarquable, Toñouqouq, reconstitua l’empire des Türk orientaux tandis que les Türk occidentaux se réorganisaient. Ce nouvel empire devait durer jusqu’à 744. Les Ouïgours furent seuls assez forts pour se substituer aux Türk, cela de 744 à 840. C’est au cours de ces deux périodes que la langue turque a produit une série d’œuvres remarquables qui la font connaître sous deux aspects, le premier étant le turc ancien ou «runique», dont les textes sont surtout des inscriptions sur pierre et quelques rares fragments de manuscrits. Les inscriptions sur pierre forment plusieurs groupes: les grandes inscriptions de l’Orkhon et celles qui sont réparties à travers la Mongolie; les inscriptions de l’Iénissei attribuables à d’autres peuples turcs que les Türk; celles de la région du Baïkal et de la Léna (Quri ラan?); celles du Talas et des régions avoisinantes (Türk occidentaux). Ces textes sont écrits à l’aide d’un alphabet de 37 caractères, sans compter quelques-uns employés pour transcrire les syllabes ök = ük , op = up , ot = ot , ut , i face="EU Caron" カ = i face="EU Caron" グ , soit un total de 41 caractères qui varient de forme selon les groupes d’inscriptions. Le second groupe, constitué par l’ouïgour, est représenté à la période ancienne par plusieurs inscriptions parmi lesquelles celle de Qara-Balgassoun dont l’écriture est dérivée de celle du turc ancien, cette dernière étant issue de l’écriture araméenne.

Après la disparition des empires des Türk et des Ouïgours, les peuples turcs furent en partie refoulés de haute Asie; les Türk, dont cinq tribus avaient constitué un empire en haute Asie et cinq autres l’empire des Türk occidentaux, commencèrent leur glissement vers l’ouest qui aboutit à l’installation des Toghouzghouz dans la vallée de l’Ili et jusqu’au nord-est du Muzart entre Aqsou et Koutcha; les Tchigil s’établirent au nord de l’Issiq-Köl; les Qarluq, dans le territoire situé entre le Tchou et le Talas et, en direction de l’est, jusqu’au Tarim dans la région d’Aqsou; les Yaghma, au sud du Narin jusqu’au-delà de Kashghar; sans compter de petites tribus installées plus à l’ouest de ces régions, pendant que d’autres groupes connus sous le nom de Kimäk et de Ghuz s’établissaient à l’ouest du Balkash et au nord de l’Aral. En même temps, les Ouïgours affluaient dans l’Asie centrale orientale, s’installant dans les oasis de Koutcha, de Qarashahr et de Tourfan, tandis qu’une partie d’entre eux allaient se fixer au Gansu.

Les descendants des Türk allaient peu à peu se convertir à l’islam, et en particulier les Yaghma dont semble issue la famille qui fonda dans la région de Kashghar la dynastie des Qarakhanides; celle-ci devait étendre son domaine sur d’autres régions tant au nord et au nord-est jusqu’à Balassaghoun que vers l’ouest jusqu’en Transoxiane et vers le sud jusqu’à Khotan. Une nouvelle littérature turque musulmane se constitua sous les Qarakhanides, tandis qu’à l’est les Ouïgours convertis au bouddhisme et au manichéisme allaient créer de leur côté une abondante littérature que les missions archéologiques en Asie centrale ont révélée. La littérature turque musulmane emploie l’alphabet arabe, tandis que les Ouïgours utilisent, selon leur appartenance religieuse, le vieil alphabet sogdien, devenu, par la transformation qu’il subit, l’alphabet ouïgour pour la littérature bouddhique s’exprimant en leur langue, ou, dans certains cas, l’alphabet brahmi et même l’alphabet sogdien sous sa forme ancienne, tandis que l’alphabet manichéen servait pour la littérature manichéenne.

En ce qui concerne le mongol, s’il est vraisemblable que la langue des Tuyu 塚un était une langue proto-mongole au même titre que celle des Khitan qui dominèrent sur la Chine du Nord, l’actuelle Mandchourie et la Mongolie orientale entre 907 et 1125, celui-ci ne fait sa véritable apparition comme langue qu’à la fin du règne de Gengis-kh n, vers 1226, et cela sous l’influence des Ouïgours passés au service de l’empereur mongol.

Déjà le khitan avait été écrit au temps de la dynastie des Liao à l’aide de deux modes de transcription: le premier, appelé «grands caractères», transcrivait chaque mot au moyen de caractères chinois modifiés par la simplification des traits et disposés un à un, l’un à côté de l’autre ou l’un au-dessous de l’autre (le système se compliquait, car, pour trois caractères, deux étaient disposés l’un à côté de l’autre, le troisième étant placé en dessous symétriquement par rapport aux deux autres; pour quatre, ils étaient disposés deux à deux; pour cinq, ils étaient disposés comme dans le cas de trois, le cinquième étant placé symétriquement par rapport aux deux groupes de deux et en dessous); le second, appelé «petits caractères», se présente sous des formes plus simples, chacune d’elle devant transcrire une syllabe. Aucun de ces deux systèmes n’a encore été déchiffré.

Le mongol fut d’abord transcrit avec les caractères ouïgours; le système ouïgouro mongol aboutit à une adaptation de l’alphabet ouïgour qui permit de transcrire le mongol avec le système devenu l’alphabet mongol dans le courant du XIVe siècle. Sous le règne de Qubilai (1260-1294), ‘P’ags-pa Lama inventa (?) l’alphabet qui porte son nom; il s’agit de la transcription du mongol par l’alphabet tibétain écrit verticalement et ayant subi certaines modifications; ce n’est pas d’ailleurs une nouveauté, car le turc fut transmis de la même manière sous les Tang, comme en témoignent certains manuscrits de Dunhuang. D’autres systèmes furent employés plus tard, et le mongol fut parfois transcrit au moyen de l’alphabet lantsa , originaire du Népal.

La langue mongole connut plusieurs périodes au cours desquelles elle put permettre la formation d’une littérature. On peut distinguer une période ancienne dont rien ne subsiste si ce n’est peut-être le texte connu sous le nom d’Histoire secrète des Mongols ; il constitue un document à part, n’entrant pas réellement dans ce qu’on est convenu d’appeler les textes préclassiques du XIIIe et du XIVe siècle. La période préclassique comprend tous les textes qui ont subsisté du XIIIe siècle au début du XVIIe, période au cours de laquelle on peut distinguer deux phases au point de vue linguistique, la première s’étendant sur le XIIIe et le XIVe siècle, la seconde sur les XVe et XVIe siècles et le début du XVIIe. Passé cette époque se manifeste la langue connue sous le nom de mongol classique, qui durera jusqu’au début du XXe siècle; on assiste ensuite à l’utilisation de certains dialectes qui accèdent à l’état de langue écrite, en particulier le khalkha, le kalmouk ayant commencé à être écrit depuis le milieu du XVIIe siècle grâce à l’alphabet créé par Zaya Pandita.

C’est au cours de cette période que le mongol évolua lentement; cette évolution fut principalement marquée par l’amuïssement de l’ancienne labiale sourde initiale h , elle-même issue d’un p , probablement très ancien, qui a disparu vers la fin de l’époque préclassique, puisque le vocabulaire sino-mongol du Tengtan bijiu de 1598 a conservé la notation de ce phonème; c’est ainsi que hanisqa 礪 (mongol classique) anisqa : «sourcil»; häligän 礪 (mong. class.) äligä(n) : «foie». D’autre part, c’est pendant cette période que l’hiatus intervocalique a disparu pour aboutir à une voyelle longue dans les langues modernes: par exemple, hu face="EU Caron" グa’ur : «origine» 礪 (mong. class.) i face="EU Caron" グa’ur 礪 (ordos) ud face="EU Caron" ゼ r ; görä’äsün : «bête sauvage», «gibier» 礪 (mong. class.) görü’ äsün 礪 (ordos) gör&ömacr;s (kalmouk) gör 﨎 et görs ユ.

Ressemblances et différences

Les langues turques et mongoles entrent dans la catégorie des langues agglutinantes dans lesquelles la flexion n’existe pas et qui, pour remédier à cette situation, constituent un mot en joignant à la racine un ou des suffixes appropriés auxquels est ajoutée une désinence. La racine qui n’existe pas à l’état libre dans les langues à flexion peut être employée seule dans les langues altaïques (impératif du verbe, nominatif du substantif); cette racine peut être modifiée par des suffixes: le substantif recevra une désinence qui indique le cas (génitif, accusatif, etc.), tandis que le verbe recevra le suffixe du thème (duratif, aoriste, futur, conditionnel, etc.), auxquels viendront s’adjoindre d’autres suffixes selon le cas pour exprimer certaines nuances et pour indiquer la personne.

La seconde caractéristique importante est l’harmonie vocalique. Elle consiste en ceci: les voyelles du mot turc ou mongol sont soumises à l’harmonie vocalique par l’action de laquelle un seul et même mot contient soit uniquement des voyelles de la série antérieure (palatale): e, (ä ), i, ö, ü , soit seulement des voyelles de la série postérieure (gutturale): a, ï, o, u ; le mongol présente un i neutre employé dans les deux séries. Dans le turc, si la dernière syllabe du mot suffixé est antérieure, le suffixe contiendra uniquement des voyelles antérieures et comme consonnes uniquement des prépalatales, c’est-à-dire k, g parmi les gutturales et l (plat) parmi les latérales. En contrepartie, si la dernière voyelle est postérieure, le suffixe contiendra uniquement des voyelles postérieures et comme consonnes uniquement des post-palatales, c’est-à-dire q , 塚 parmi les gutturales et l (creux) parmi les latérales. Cette loi est beaucoup moins stricte en mongol, où il y a seulement mutation des gutturales; d’autre part, les mutations se rapportant aux suffixes ne concernent que les consonnes finales des mots suffixés: t passe à d et face="EU Caron" カ à face="EU Caron" グ ; le passage de t à d existe seul en mongol. Dans le domaine de l’écriture «runique», le problème est plus compliqué par suite de l’existence de deux séries des consonnes b , d , l , n , r , s et t. L’harmonie vocalique s’exerce avec la même rigueur en mongol, mais le système est moins compliqué qu’en turc, car, en dehors des voyelles, seules les gutturales obéissent à cette loi.

Une conséquence de la suffixation est l’utilisation en turc et en mongol de postpositions à la place de prépositions des langues indo-européennes. D’autre part, en ce qui concerne les suffixes, il faut remarquer un fait intéressant: certains d’entre eux ont donné naissance à de nombreux mots (substantifs ou verbes) dans les deux langues, tandis que d’autres ont comme un destin différent qui les a menés, pour des raisons qui nous échappent, à ne former qu’un nombre restreint de mots.

Les autres grandes caractéristiques se trouvent dans la syntaxe. Dans la phrase simple, le déterminant se place toujours avant le déterminé, par conséquent l’épithète se place avant le substantif qu’elle qualifie, par exemple, en turc ulu äw signifie, mot à mot: «maison grande», soit donc «la grande maison» (en mongol, on a: sayin ökin , «jolie jeune fille»); si au contraire l’ordre est inversé, il faudra comprendre «la maison est grande», auquel cas ulu 塚 devient attribut.

Dans la phrase comportant plusieurs propositions, toutes les propositions subordonnées précèdent la principale qui, terminée par son verbe, clôt la phrase. En mongol, par exemple, bon nombre de subordonnées sont terminées soit par des conjonctions du type tula parce que», «dans ces conditions»), soit par des propositions finissant par des gérondifs qui jouent un rôle d’une certaine importance pour former les propositions subordonnées. La phrase assez simple «je suis couché, car je ne puis me lever» peut être exprimée en mongol de deux manières; on dira: kebtemüi ya’un-u tula kemebesü bos face="EU Caron" カu ese face="EU Caron" カidata-un tula (mot à mot: «je suis couché de quoi à cause si je dis me levant ne pouvant pas à cause de») ou kebtemüi kemebesü bos face="EU Caron" カu ülü face="EU Caron" カidamui (mot à mot: «je suis couché si je dis me levant je ne puis»).

En turc ancien, les trois premières lignes de l’inscription de Toñouquouq donnent un aperçu de la constitution de la phrase turque:

Bilgä Toñuquq bän özim Taba face="EU Caron" カ eli face=F3210 燐nä qïlintïm. Türk bodun Taba face="EU Caron" カqa körär ärti.

[Tür ]k bodun qanïn bulmayïn Taba face="EU Caron" カda adrïltï; qanlantï, qanïn qodïp Taba face="EU Caron" カda yana i face="EU Caron" カikdi. Tä face=F3210 燐gri an face="EU Caron" カa temiš ärin face="EU Caron" カ: qan bärtim .

[qanï face=F3210 燐ïn ] qodïp i face="EU Caron" カikdi face=F3210 燐. I face="EU Caron" カikdük u face="EU Caron" カin Tä face=F3210 燐ri: «öl!» temiš ärin face="EU Caron" カ.

Mot à mot: «Sage Toñouqouq moi-même de la Chine à l’époque de l’administration je suis né. Le peuple türk à la Chine rendait hommage. Le peuple türk son qan sans avoir trouvé de la Chine se sépara. Il fut pourvu d’un qan ; son qan ayant déposé à la Chine il se soumit de nouveau. Le Ciel parla ainsi: «Un qan je t’ai donné. Ton qan ayant abandonné, tu t’es soumis .» Parce qu’il s’était soumis le Ciel dit: «Meurs!» Ainsi dit-il.»

Traduction: «Moi-même, le sage Toñouqouq, je suis né à l’époque de l’administration de la Chine. Le peuple türk rendait hommage à la Chine. Le peuple türk, sans avoir trouvé son qan , se sépara de la Chine. Il fut pourvu d’un qan. Ayant déposé son qan , il se soumit de nouveau à la Chine. Le Ciel parla ainsi: «Je t’ai donné un qan. Ayant abandonné ton qan , tu t’es soumis.» Parce qu’il s’était soumis: «Meurs!» dit le Ciel.»

En résumé, le turc et le mongol sont donc deux langues qui présentent des caractéristiques identiques dans les grandes lignes: utilisation de suffixes et par suite de postpositions, harmonie vocalique, syntaxe dominée par le fait que le déterminant se trouve toujours avant le déterminé, ce qui entraîne dans la construction de la phrase le rejet à la fin de celle-ci de la proposition principale terminée par le verbe; cette dernière étant précédée par une série de subordonnées qui, les conjonctions étant trop peu nombreuses, sont terminées par des formes impersonnelles du verbe, surtout par des gérondifs.

Cependant, si elles offrent des traits communs: les suffixes du pluriel (-lar en turc, -nar en mongol, ce dernier ayant en plus un suffixe en -s , qui est peut-être un emprunt à l’indo-européen, et un suffixe en -t, spécifiquement mongol), des pronoms personnels très proches (par exemple, le réfléchi öbär öär en mongol qui est représenté en turc par öz ), l’emploi de la racine verbale à l’impératif, il existe de notables différences entre les deux langues. C’est ainsi que le turc marque la possession par des suffixes spéciaux (-om , -oz , -si et -i au singulier pour les trois personnes), alors que le mongol fait usage de désinences casuelles possessives, pour l’accusatif (-ban , -yu’an ), le datif (-da’an , -duriyan ), etc., ou, moins fréquemment, par le génitif du pronom personnel (minu , face="EU Caron" カinu , etc.). Le turc indique la négation en joignant la particule négative -ma/-mä à la racine du verbe, alors que le mongol utilise les adverbes äsä , ülü , bu («ne... pas») en les plaçant devant le verbe. Dans les noms de nombre, il existe des différences considérables et seul le nom désignant «quatre» est tört en turc et dörban en mongol; d’autre part, le mongol ancien possède un mot face="EU Caron" グirin pour désigner «deux» au féminin. Enfin, alors que le turc ne possède pas de suffixe exprimant le genre, le mongol formait à l’époque ancienne les adjectifs avec le suffixe -tu au masculin, -tai au féminin et -tan au pluriel (sutu : «Sa Majesté [l’empereur]», sutai : «Sa Majesté [l’impératrice]»), et de plus possédait plusieurs suffixes féminins tels: - face="EU Caron" グin , -lun , -tani à époque ancienne et -q face="EU Caron" カin/-k face="EU Caron" カin pour former les noms de couleur. Le mongol marquait les différences de genre aussi dans les verbes: le parfait de l’indicatif étant en -ba pour le masculin et en -bai pour le féminin; le gérondif étant en - face="EU Caron" グu’u pour le masculin et en - face="EU Caron" グi’ai pour le féminin.

En fait, le mongol apparaît au XIVe siècle comme une langue beaucoup moins évoluée que le turc du VIIIe siècle; son évolution a été beaucoup plus lente. D’autre part, il semble bien que le mongol et le turc ne sont pas issus, comme le voulait Vladimircov, d’un ancêtre commun; ce sont deux langues qui ont évolué sur place à partir d’un fonds commun plus ou moins proche, mais qui remonte certainement très haut; ces deux langues ont évolué en étroite connexion s’empruntant l’une à l’autre ce qui paraît être commun, et empruntant à l’indo-européen un nombre important d’éléments, qu’il s’agisse de suffixes ou de mots. C’est seulement à partir de l’époque des Türk que le turc a fait de nouveaux emprunts aux langues de civilisation qui l’entouraient, de la Chine jusqu’à l’Asie centrale. Le mongol, en dehors des emprunts anciens, s’enrichit considérablement grâce à l’ouïgour, à l’époque mongole (XIIIe et XIVe s.). Ils ont poursuivi leur enrichissement, le turc ancien en direction du monde musulman et du monde bouddhique, le mongol classique principalement vers le monde bouddhique et parfois vers la Chine.

2. Littératures

La littérature en turc ancien

Les inscriptions runiques

En accédant à l’empire, les Türk allaient se trouver en contact avec des civilisations diverses: chinoise, sérindienne, iranienne et byzantine. Il leur fallut utiliser un moyen d’expression et ils choisirent l’alphabet « runique » pour écrire leur langue. Celui-ci, issu de l’araméen par divers intermédiaires, allait être un instrument incomparable pour noter les phonèmes de leur langue dans ses moindres détails.

Les anciens Türk avaient eu une littérature qui fut longtemps ignorée ou, du moins, dont on ne savait pas qu’elle leur appartenait. En effet, les voyageurs avaient signalé l’existence de stèles gravées depuis le fleuve Talas, au nord-est du Syr-Darya, jusqu’au bassin de Minousinsk dans le secteur russe et dans la haute Mongolie, en particulier dans la vallée de l’Orkhon. Ces dernières devaient être déchiffrées par le linguiste danois Thomsen, qui en donna en 1893 une première traduction, révélant des pages insoupçonnées de la littérature et de l’histoire des Türk dont on connaissait seulement les grands traits par les textes chinois. Alors apparurent les textes célèbres relatant les hauts faits des empereurs des Türk depuis la fondation de l’empire en 552 jusqu’à sa fin en 744. Les stèles dédiées à Köl-tegin et à Bilgä-qaghan furent connues comme portant les textes les plus anciens de la littérature «turque»; peu après fut découverte et traduite l’inscription de la stèle de Toñouqouq qui est un morceau fort important.

De nombreuses inscriptions ont été retrouvées depuis le début du XXe siècle, et l’on en découvre encore d’autres dans les régions les plus diverses: en Mongolie et dans la Touva, elles concernent les Türk orientaux; dans la région du Baïkal et dans la vallée de la Léna, elles sont attribuables vraisemblablement à leurs vassaux Qouriqan et Bayirqou; dans la vallée de l’Iénissei et de ses affluents, en particulier dans le bassin de Minousinsk, elles relèvent de la culture des anciens Kirghiz; dans la région située au nord du Syr-Darya, dans les vallées du Talas et du Tchou et non loin de l’Issiq-Köl, toutes ces inscriptions ont pour auteurs les Türk occidentaux. Elles sont assez courtes, et seules les inscriptions de l’Orkhon (Köl-tegin et Bilgä-qaghan) avec celle de Toñouqouq constituent des documents considérés comme relevant de la littérature; les autres permettent de compléter la connaissance de l’ancien turc tant au point de vue de la grammaire que du vocabulaire.

D’autres documents en turc ancien ont été découverts au Turkestan oriental, principalement dans la région de Tourfan: ce sont des fragments de manuscrits, plus ou moins longs et plus ou moins lacunaires, qui nous apportent encore de nouveaux éléments d’appréciation sur le fait littéraire chez les anciens Türk; l’un d’eux, publié par Thomsen, renfermait un texte manichéen, ce qui donne à penser que l’alphabet «runique» fut employé à l’époque ouïgoure, après la fin de l’empire turc; reste à savoir si le manuscrit fut écrit après l’installation des Ouïgours à Tourfan ou s’il fut apporté par eux quand ils abandonnèrent la vallée de l’Orkhon. L’alphabet «runique» fut aussi employé dans la région de Koutcha, à Qoum-Toura, où une inscription a été retrouvée par Pelliot.

La littérature ouïgoure

Les Ouïgours succédèrent aux Türk dans la haute Mongolie en 744, et le siège de leur empire y demeura jusqu’en 840, date à laquelle ils furent vaincus par les Kirghiz de l’Iénissei qui s’emparèrent de leur capitale, Kara-Balgassoun. Pendant près d’un siècle, les Ouïgours tentèrent d’amener à leur civilisation les territoires qu’ils contrôlaient, mais leur conversion au manichéisme semble avoir été une des causes de leur défaite. Au cours de cette période, les manichéens venus de la Transoxiane par le Turkestan oriental ou par le Sémiretchié leur apportèrent avec leur religion une littérature spécifique qu’ils traduisirent vraisemblablement, mais aucune trace n’a été retrouvé en haute Mongolie. En même temps, les Ouïgours empruntèrent à la Transoxiane l’alphabet sogdien, issu du syriaque, tirant de celui-ci une écriture particulière permettant de rendre les phonèmes de leur langue, et qui devint par la suite l’alphabet ouïgour. On peut penser que tous ne devinrent pas manichéens et que certains d’entre eux devinrent bouddhistes et d’autres chrétiens nestoriens. Ils gardèrent cependant l’usage du vieil alphabet turc comme en témoignent les fragments manuscrits de Tourfan, et surtout la grande inscription située près de Kara-Balgassoun; elle fut gravée sous le règne du qaghan Aï Tängridä Qut Bulmich Alp Bilgä (808-821), mais il n’en reste que des fragments. Rédigée sous forme d’une inscription trilingue: chinoise, ouïgoure et sogdienne, elle prouve l’influence qu’avaient acquise les religieux manichéens auprès des souverains ouïgours mais ne peut être considérée réellement comme une œuvre littéraire, bien qu’elle présente un style analogue à celui des inscriptions de l’Orkhon.

Depuis les environs de l’an 800, les Ouïgours occupaient les régions de Tourfan, de Beshbaligh, de Karashahr. Après la ruine de leur empire, une partie d’entre eux s’y réfugia tandis que l’autre allait occuper les principales villes du Gansu; ils s’y maintinrent longtemps, puis furent refoulés dans les montagnes du Sud, touchant à la région du Kökö-nor. C’est probablement après cette installation dans ces territoires que furent écrites la plupart des œuvres dont une partie a subsisté. Dans la masse des manuscrits découverts depuis 1900 par les missions scientifiques envoyées en Asie centrale, le déchiffrement auquel il a été procédé a permis de distinguer deux genres de littératures: l’une, manichéenne, écrite avec un alphabet spécial et traduite de l’iranien; l’autre, bouddhique, écrite à l’aide de plusieurs alphabets (sogdien, ouïgour et brahmi) et traduite du sanskrit, du koutchéen, du khotanais et du chinois. À ces deux littératures s’en ajoute une troisième, chrétienne (nestorienne), écrite en alphabet ouïgour, dont seuls quelques fragments ont été retrouvés, entre autres un texte sur le Passion de Georges , connu également en sogdien. Toute cette littérature ouïgoure est une littérature de traduction, comme ce sera le cas pour le mongol plus tard; il ne semble pas qu’elle ait réalisé une œuvre originale, ou, du moins, s’il a existé des œuvres issues du fond ouïgour, rien n’en subsiste.

La littérature manichéenne en ouïgour dura peu de temps, car l’influence grandissante du christianisme et surtout du bouddhisme en amena la disparition. Malgré tout, en dehors des fragments qui offrent une valeur au point de vue de la connaissance de la langue ou de celle du manichéisme dont la plupart des œuvres ont été détruites, certains textes bien conservés, parmi lesquels figure le Khouastouanift (Manuel de confession ), permettent d’avoir une notion correcte de la manière dont cette langue, peu apte à noter les concepts de cette religion, a réussi à surmonter les difficultés, et cela jusqu’à la mise au point d’hymnes manichéens déchiffrés et traduits par W. Bang et A. von Gabain. Il a fallu pour cela disposer de bons traducteurs qui ont, vaille que vaille, fait passer directement en ouïgour des mots tels que amvardišn recueil», «collection», etc.) qui n’est autre que le parthe amvardišn (’mwrdyšn ), ou les ont adaptés, tel kägdä kagda qui provient du sogdien k 塚嗀i (k’ 塚dyh ), «feuille de papier», sans compter tous les termes techniques du manichéisme.

La littérature bouddhique en ouïgour est très riche; elle a duré fort longtemps et on en connaît de nombreux textes. Pendant la période ancienne, probablement à l’époque où subsistaient les littératures manichéennes et chrétiennes, une masse considérable de textes traduits du sanskrit en sogdien, en koutchéen et en khotanais passa en ouïgour. Parmi tous ces textes souvent fragmentaires, certains sont plus complets, comme celui de la Tigresse affamée qui est conservé dans le texte imprimé du Suvar ユaprabh sa ouïgour publié par W. Radlov et S. E. Malov et renferme de nombreux passages versifiés, ou celui qui est relatif à l’histoire des princes Kalyanamkara et Papamkara rapporté par Pelliot et dont une édition magistrale a été publiée. On peut y ajouter la biographie du pèlerin chinois Xuanzang et une série de textes, dont certains ne contiennent qu’un ou plusieurs chapitres de l’original. Là aussi, les traducteurs ont gardé en les adaptant à l’ouïgour un bon nombre de mots sanskrits tels que les noms des stations lunaires, par exemple ašliš qui provient du sanskrit a ごle ル , ou, d’une manière plus compliquée, le terme sanskrit passant par l’intermédiaire d’une des langues dans laquelle était rédigé le texte traduit, par exemple arzi, irzi , qui provient du sogdien rizai (rz’y ) – le khotanais écrit ri ルayi , ces deux intermédiaires provenant du sanskrit リルi saint», «anachorète», «ermite»).

Au cours de la période mongole (XIIIe et XIVe s.), la littérature bouddhique ouïgour continua de subsister et servit de modèle à la littérature mongole en voie de formation; un très petit nombre de textes, d’ailleurs à l’état fragmentaire, relatifs au bouddhisme nous sont parvenus; la raison en est l’islamisation progressive du monde ouïgour, qui semble avoir été parachevée lors des campagnes de Tamerlan (1375-1390); seuls restèrent bouddhistes les Ouïgours du Gansu. On ne possède plus que des documents d’un intérêt médiocre; ce sont des inscriptions comme la partie ouïgoure de l’inscription du Jurongguan, au nord de Pékin, ou celle du prince Nomdaš, descendant de Gengis-kh n, retrouvée au Gansu par Pelliot; ces documents permettent seulement de pouvoir définir la langue alors employée que l’on peut nommer «moyen ouïgour».

À partir du XVe siècle, l’ouïgour disparut en tant que langue de civilisation des régions qu’il avait occupées depuis 840 en Asie centrale; il demeura en usage cependant dans deux secteurs, d’une part au sud du Gansu, où les Sarï 塚-Oui 塚ur («Ouïgours jaunes») se sont maintenus jusqu’à maintenant en conservant le bouddhisme comme religion, et dans leurs anciennes possessions de Koutcha et de Tourfan, où, devenus musulmans, ils cessèrent d’avoir une littérature distincte de celle des musulmans de la région de Kachgar. C’est au Gansu qu’a été découvert, au début du XXe siècle, le texte du Suvar ユaprabh sa qui doit remonter à la fin du XVIIe siècle et que l’on peut considérer comme un texte ancien, alors que dans l’autre secteur ne subsistèrent que de rares textes, en particulier les modèles de suppliques datant de la fin des Ming (fin XVIe et début du XVIIe s.), qui étaient en usage à la cour de Pékin et qui furent sans doute rédigés en ouïgour «tardif».

L’alphabet ouïgour fut employé à la Horde d’Or et chez les T 稜mur 稜des pour transcrire certains textes rédigés en djaghataï, et il y eut même au XVIe siècle des scribes ouïgours qui travaillèrent à la cour des sultans ottomans. C’est peut-être pour cette raison qu’un texte en moyen ouïgour, vraisemblablement rédigé en ouïgour de Tourfan vers 1300, la Légende d’Oghouz-qan , fut remanié au Kazakhstan dans le courant du XVe siècle et a été conservé sous cette forme dans un manuscrit fragmentaire. Il s’agit là d’un texte d’origine épique se rattachant à la légende d’Oghouz-qan, qui a été conservé d’autre part chez les historiens persans ou turcs qui ont traité dans leurs ouvrages de l’origine des Türk. Ce texte paraît avoir subi fortement l’influence des religions pratiquées successivement par les Ouïgours et présente des détails pittoresques sous une forme assez naïve. Actuellement, l’ouïgour est en voie de reprendre sous transcription arabe une place dans la culture de l’Asie centrale. Il est langue officielle au Xinjiang (Turkestan chinois).

Origines et évolutions du djaghataï

Tandis que la littérature ouïgoure connaissait ces développements, le secteur occidental fut islamisé de bonne heure à la suite de la conversion du souverain turc de Kachgar, Satouq Boughra-qan, qui mourut vers 955. Au cours du Xe siècle, ses descendants se partagèrent les oasis de la région de Kachgar et de Khotan ainsi que les plaines du Tchou et du Talas, puis conquirent la Transoxiane (999). C’est dans ces régions que devait se manifester une littérature d’expression musulmane, qui, au point de vue linguistique, est très proche de celle des Ouïgours et aura des développements connus plus tard sous le nom de djaghataï; il s’agit d’une langue issue, comme l’ouïgour, du vieux turc, qui sera transcrite en caractères arabes. De la Kachgarie, le djaghataï gagnera la Transoxiane, acquérant au cours des siècles de nombreuses formes dialectales qui le transformeront peu à peu selon les milieux où il se développera.

Cette langue littéraire turque de l’Asie centrale islamisée employa donc comme moyen d’expression l’alphabet arabe. C’est à Kachgar, à la cour des souverains qaraqanides que fut composé le texte le plus ancien que nous possédons. Son auteur, Y suf Khass Hadjib, était originaire de Balasaghoun; venu à Kachgar, il composa son œuvre en 1069-1070 et l’offrit au souverain de cette ville sous le titre de Qoutadhghou-bilig (La Science qui apporte le bonheur ). Il s’agit d’une poésie didactique où l’influence iranienne se fait sentir aussi bien dans la versification que dans le style; la langue elle-même est artificielle, fondée sur le dialecte turc de la région de Kachgar fixé dans des formes conventionnelles. C’est cette langue qui devait connaître un succès tel qu’elle servit au XVIe siècle à Babour pour rédiger ses Mémoires , au XVIIIe siècle à Abu’l-Gh z 稜 pour écrire son Histoire des Turcs , et pour d’autres œuvres produites tant dans le milieu qiptchaq de la Horde d’Or que dans le milieu ouzbek à l’époque de Chayb n 稜.

Le Qoutadhghou-bilig étant une œuvre sentencieuse, à l’encontre de ses modèles iraniens, ne rapporte aucun événement historique ou légendaire, bien qu’il donne la possibilité de voir quel était l’état social des Türk de Kachgarie et quelle était la manière dont ils se comportaient en tant que musulmans. Malheureusement, les personnages sont artificiels, en fait purement allégoriques et dépourvus de vie. Malgré ces défauts, cette œuvre littéraire eut un immense succès dans le monde turc; c’était la première manifestation d’un certain humanisme bien que très imprégné par l’islam, alors que jusqu’à cette époque les littératures turques avaient été des littératures religieuses et de traduction.

Une autre œuvre découverte un peu plus tard et d’une importance égale à celle du Qoutadhghou-bilig fut composée au XIIe siècle par A ムmad ibn Ma ムm d Yögneki ; il s’agit encore d’une œuvre didactique qui «renferme des règles de morale sèches sans rapport avec la vie réelle»; elle fut écrite pour un certain émir Dad-Ispahsalar-Beg et fut connue sous le titre de Hibat al-haqaiq. Peu après fut écrite l’œuvre de Ma ムm d al-K shgar 稜 qui devait exercer une influence capitale sur le développement de la langue littéraire turque. K shgar 稜, originaire des environs de l’Issiq-Köl, voyagea beaucoup et apprit, à ce qu’il dit, tous les dialectes turcs pratiqués dans le monde de la steppe et dans les possessions turques; il semble qu’il ait été d’origine turque bien que connaissant parfaitement l’arabe, et peut-être était-il de la famille des Qaraqanides. Il fixa sa résidence à Bagdad, et c’est là qu’il écrivit son D 稜v n lugh t at-Türk , œuvre immense où il fixa toutes les connaissances qu’il avait acquises sur les Türk, entre le début de l’année 1072 jusqu’à son achèvement le 10 février 1074. Cette œuvre renferme un vocabulaire d’une richesse incomparable et une masse d’informations sur tout ce qui concerne le monde turc.

Au siècle suivant, l’islam fit de nets progrès chez les Türk grâce à l’action d’un cheikh nommé A ムmad Y s vi qui vécut dans la ville de Y si, à la place de l’actuelle ville de Turkestan. Il y mourut en 1166 ou 1167 après avoir écrit des poésies mystiques qui exercèrent une grande influence. Cette œuvre nous est parvenue très altérée, mais sa renommée fut telle que Tamerlan fit ériger un édifice sur la tombe de son auteur. A ムmad Y s vi laissa de nombreux disciples qui écrivirent des poésies mystiques en turc, et dont l’influence s’étendit jusque dans le courant du XIVe siècle. L’un d’entre eux, ネak 稜m‘A レ , composa en prose un recueil de sentences.

Le turc ayant supplanté au Kh rezm la langue kh rezmienne au cours du XIIe siècle, c’est après la conquête mongole, pendant le XIVe siècle, qu’il y fut utilisé par des écrivains usant de la même langue que celle de l’auteur du Qoutadhghou-bilig , mais avec des emprunts à la langue des milieux qiptchaq et oghouz qui constituait celle de la Horde d’Or. Le djaghataï n’avait pas atteint le terme de l’évolution qui forma la langue employée par Babour, mais cette langue issue du turc kachgarien avait subi au cours des siècles l’influence des grands dialectes pendant qu’elle était utilisée dans diverses régions situées plus à l’ouest.

On connaît au XIVe siècle, écrit par le poète Qutb, un roman en vers, Khusrav-u Shirin , qui est une imitation du roman de Ni ワ m 稜. Il peut être daté des années qui précèdent 1340. D’autre part, un auteur vivant à la Horde d’Or, mais né au Kh rezm comme l’indique son surnom de Kh rezmi, composa en 1353 au nord de la Transoxiane un ouvrage connu sous le nom de Mu ムabbat N mé (Le Livre de l’amour ). Ces deux œuvres montrent l’évolution de la langue dont on retrouve les mêmes symptômes aussi bien dans les yarligh , ou rescrits des souverains de la Horde d’Or, que dans les inscriptions funéraires du Sémiretchié. La langue créée dans la région de Kachgar est devenue la langue écrite du monde turc, les grands dialectes parlés exerçant leur influence selon les régions avant d’atteindre eux-mêmes le statut de langues littéraires.

L’apparition de Tamerlan et l’avènement des T 稜m rides donnèrent une nouvelle impulsion à la langue écrite, et ce sera l’âge d’or du djaghataï. Sous les T 稜m rides, la poésie turque atteint une rare qualité. Lutfi, qui fut le panégyriste d’Ulugh-Beg, et Sekk ki, un Transoxianais, jouèrent un rôle important dans la poésie djaghataï, le premier par son D 稜v n et par son Gul-u Naur z , le second par ses nombreuses poésies. Ils sont les plus représentatifs parmi les premiers poètes de cette époque, comme d’ailleurs le poète K simi-anw r qui composa quelques pièces de vers en turc. C’est de cette même époque que datent les deux textes djaghataï écrits en caractères ouïgours, l’un, le Tezkéreh-i evliy (Mémorial des saints ), traduit du persan par un inconnu le 20 décembre 1436, l’autre le Miradj N mé (Ascension de Mahomet ), traduit de l’arabe; un troisième manuscrit du même genre, le Bakhtiyar N mé , a été écrit en 1435.

À cette époque vivait un poète mystique, M 稜r ネaydar Medjdh b, très prisé par les T 稜m rides; il écrivit au XVe siècle un Makhzen el-Asr r (Trésor des mystères ) qui, à ses yeux, était la réplique à une œuvre du même nom de Ni ワ m 稜. Un autre poète, le prince Sayyid A ムmad, petit-fils de Tamerlan, écrivit vers 1435 un Ta’ashshoq N mé qui est une imitation du Mu ムabbat N mé de Kh rezmi. On pourrait citer un grand nombre d’autres poètes, mais tous sont dominés par M 稜r ‘Al 稜 Sh 稜r Naw ’ 稜, qui d’ailleurs nous les fait connaître par son Madj lis n-Naf ‘is (Assemblées où l’on parle des choses précieuses ), biographies des poètes contemporains.

M 稜r ‘Al 稜 Sh 稜r fut l’homme le plus éminent du monde turc au XVe siècle. Né à Har t, sa famille s’étant attachée aux T 稜m rides, il fut le compagnon d’étude de ネusayn B y ャar qui, une fois monté sur le trône, le nomma garde du sceau. Partageant sa vie entre le service de l’État et ses occupations, il devait mourir le 4 janvier 1501, âgé de soixante-deux ans. Ce grand homme prit le surnom de Naw ’ 稜 dans ses poésies turques et celui de F ni dans ses poésies persanes. Il subit profondément l’influence de Ni ワ m 稜 et surtout celle de Dj m 稜. Il écrivit de nombreuses poésies en turc qu’il classa en quatre divans : Étrangetés de l’enfance , Raretés de la jeunesse , Merveilles de l’âge mûr et Utilités de la vieillesse . C’est dans ses poésies qu’il a donné libre cours à son génie poétique, souvent sous l’influence de la poésie persane. Il a écrit des commentaires à des œuvres religieuses sous forme de quatrains, des poésies mystiques (Trésor des secrets ), des romans (Ferh d et Sh 稜rin et Layl vé-Madjn n ) et la vie du roi Bahr m G r (les «Sept Planètes»). Il a écrit également le Ma ムb b al-Qul b (Aimé des cœurs ), en imitation des œuvres des mystiques persans, des biographies, dont celle de Dj m 稜, une histoire des prophètes, des patriarches et des philosophes, et une histoire des anciens rois de Perse. Son dernier ouvrage est le Muh kamat al-Lughatain (Débat des deux langues ), où il discute de la valeur du persan et du turc comme langues littéraires et conclut en faveur du turc. Malgré leurs efforts, M 稜r ‘Al 稜 Sh 稜r comme d’ailleurs ses prédécesseurs et ses émules ne purent jamais s’affranchir de l’emprise de la littérature persane.

Après l’effondrement des T 稜m rides, l’un des plus grands écrivains turcs, si ce n’est le plus grand, fut Babour, le futur conquérant de l’Inde. Né en 1482, il fut obligé dans sa jeunesse d’abandonner les terres de ses ancêtres et, après avoir fondé une principauté à Kaboul en 1503-1504, il conquit l’Inde du Nord-Ouest et s’empara de Delhi en 1526; il mourut le 26 décembre 1530. Babour a laissé de nombreuses poésies, mais il est surtout connu par ses Mémoires si vivants, qui sont l’œuvre maîtresse de la littérature turque écrite en djaghataï. Ils sont pleins de sincérité, écrits dans un style simple et vivant, très différents de tous les textes orientaux de ce genre.

À la même époque, des œuvres historiques furent composées chez les Ouzbeks en l’honneur de Chayb n 稜; elles furent rédigées également en djaghataï, car le milieu ouzbek n’avait pas encore assimilé la culture persane; les Ouzbeks firent usage de cette langue en prenant pour modèle M 稜r ‘Al 稜 Sh 稜r et A ムmad Y s vi. Le Tev rikh-i G zida N sret N mé date de cette époque (1502-1503) et fut abrégé sous le titre de Chayb n 稜 N mé (Livre de Chayb n 稜 ), qui est le panégyrique du conquérant ouzbek.

Cependant, si l’on continua à employer le djaghataï jusqu’au début du XVIIIe siècle, comme l’atteste l’œuvre poétique du mystique s fi All h-Y r, et si les Mémoires que M 稜rz ネaydar D ghlat rédigea en Kachgarie en utilisant le persan, T r 稜kh-i Rash 稜d 稜 , furent traduits en djaghataï à plusieurs reprises, il n’en est pas moins vrai que le persan supplantait peu à peu le djaghataï en Transoxiane et en Kachgarie et que son usage persista seulement au Kh rezm et dans la région de Khokhand. Ab ’l-Gh z 稜, souverain de Khiva au XVIIIe siècle, composa deux œuvres historiques célèbres, un Shedjere-i Tar kima (Histoire des Türkmènes ) et le Shedjere-i Türk (Histoire généalogique des Türk ); la langue qu’il emploie n’est plus le djaghataï, mais un djaghataï tellement imprégné par l’ouzbek qu’on peut le considérer comme écrit en cette langue. Ces deux ouvrages furent rédigés à la fin de sa vie, le premier en 1659 et 1660, le second en 1663. Le djaghataï est supplanté pendant un temps par le persan dans les deux Turkestans; finalement, de nouvelles langues littéraires telles que l’ouzbek en Transoxiane et l’ouïgour dans le bassin du Tar 稜m se manifesteront à l’époque moderne.

La littérature mongole

Comme c’est généralement le cas dans toutes les littératures, les Mongols ont possédé des chants épiques relatant les exploits de leurs souverains; on constate leur existence dans certains passages de l’histoire des Mongols rédigée par le Persan Rach 稜d al-D 稜n (Reshid ed-Din) et surtout par ceux qui subsistent dans le texte de l’Histoire secrète des Mongols (1240 env.). Cette chronique est l’œuvre la plus ancienne de la littérature mongole; elle relate l’histoire de Gengis-kh n, celle de ses ancêtres et celle de son premier successeur. Elle occupe une place à part, tant par sa langue que par son style, et dut connaître plusieurs états; elle renferme de nombreux passages de poésie allitérée épique où sont contés dans un style rude et coloré certains épisodes relatifs à Gengis-kh n; c’est le seul témoin des premiers chants épiques. Les autres textes de la littérature mongole, à partir du règne de Qubilai et jusqu’à la fin de la dynastie mongole de Chine (1368) et à l’effondrement de celle des Ilkhans d’Iran (1335), sont rares. Tous ont été rédigés en moyen mongol (XIIIe s. début du XVIIe s.), langue qui aboutit alors à un nouvel état appelé «mongol classique» qui fut utilisé jusqu’à une date récente. Ces monuments préclassiques sont des inscriptions et des textes manuscrits ou imprimés qui proviennent de Mongolie, de Chine, d’Asie centrale et d’Iran; malheureusement, il ne s’agit que d’inscriptions, de documents diplomatiques ou administratifs; seules quelques poésies plus ou moins fragmentaires et d’un intérêt littéraire médiocre ont été retrouvées. Les pièces littéraires les plus importantes consistent en des traductions mongoles de textes bouddhiques, tels les fragments imprimés découverts à Tourfan du Bodhic ryavat ra traduit et commenté par face="EU Caron" アhos-Kyi’o-dzer, édition en date de 1312. Des textes bouddhiques fragmentaires, xylographiques, ont été découverts à Tourfan; il s’agit d’un hymne à Mah k l 稜 et de fragments de poésies, notamment d’un texte particulièrement intéressant qui renferme une partie de la légende d’Alexandre apparaissant sous le nom de Sulqarnai (équivalent de son nom musulman: D ’l-Qarna 稜n). L’ensemble de ces fragments ne permet pas de se faire une idée précise au sujet de la littérature des Mongols. D’autres textes ont paru au XVIe siècle; c’est l’époque de la seconde génération des grands traducteurs qui vont faire passer du tibétain en mongol les énormes collections de textes religieux qui constituent le Kandjur et le Tandjur dans les deux grands centres de Koukou-Qoto, «la Ville bleue», et de Koumboum au nord-est du Tibet.

En dehors de cette littérature de traduction, il dut y avoir une littérature historique, mais les textes n’en sont pas conservés et ont été incorporés dans les œuvres historiques qui commencent à paraître au XVIIe siècle. C’est alors que surgissent les chroniques appelées Shara Tuudji (Histoire jaune ), dont l’auteur est inconnu, Erdeniyin tobtchi (Résumé précieux [de l’origine des souverains]) de Sanang-Setchen (1662), Altan kürdün mingqan gegesütü bitchik (Livre de la roue d’or aux mille rayons ), Altan tobtchiya (Bouton d’or ), Bolur erike (Chapelet de cristal , 1774-1775); ces chroniques et d’autres encore ont conservé des passages des chroniques disparues, en particulier des morceaux en vers allitérés qui prouvent l’existence de textes épiques relatant la vie de certains souverains. Dans tous ces textes, les auteurs ont voulu rattacher la lignée issue de Gengis-kh n par ses ancêtres plus ou moins mythiques, aux rois de l’Inde qui favorisèrent la propagation du bouddhisme et à ceux du Tibet servant d’intermédiaire entre rois indiens et souverains mongols.

La langue mongole classique fut employée à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle; elle s’était enrichie du vocabulaire des Ouïgours, aux XIIIe et XIVe siècles, et de celui des Tibétains, depuis le XVIe siècle; ces deux siècles seront l’âge d’or de la littérature mongole, en fait pendant l’ère de la dynastie mandchoue; malheureusement, ce sera surtout une littérature de traductions. On traduira en mongol surtout des œuvres tibétaines et chinoises et ces modèles susciteront des œuvres de toutes sortes; les histoires chinoises intéressant les Mongols seront traduites, des romans, tels le San Guo zhi yanyi , le Liao zhai zhi yi , le Xi you ji , etc., en même temps que deux vastes chants épiques d’origine populaire étaient composés l’un en mongol, La Geste de Guessar , d’après le texte tibétain qui constitue L’Épopée de Guésar de Ling , l’autre en kalmouk, La Geste de Djanggar , qui célèbre les prouesses du héros kalmouk.

C’est l’époque où sont rédigés de nombreux récits de voyages décrivant des lieux célèbres, tels Pékin ou le Wutaishan.

En outre, une abondante littérature consacrée à l’astronomie, à la médecine, à la jurisprudence, etc., voit le jour; s’y ajoutent des recueils de lexicographie, des traductions des classiques chinois, des manuels scolaires comme le San zi jing et le Qian zi wen , des écrits de genre didactique, tel le Trésor des belles paroles , des recueils de sentences, de maximes, de proverbes. Beaucoup d’éditions sino-mongoles paraissent alors et l’emprise du monde chinois s’exerce d’une manière de plus en plus forte.

En même temps, les Mongols occidentaux, ou Kalmouks, accèdent à l’art d’écrire grâce à Zaya-pandita qui, vers le milieu du XVIIe siècle, créa l’alphabet kalmouk, plus précis que l’alphabet mongol et par suite mieux adapté à la langue kalmouke. Des textes de toutes sortes voient alors le jour; c’est la première réaction qui permettra aux Kalmouks de rénover leur langue. Ils composent de nombreux ouvrages historiques entre autres œuvres qui se dégagent de l’influence prédominante des Chinois. Les Bouriates rédigent alors leurs chroniques en attendant de noter les légendes épiques qui se sont conservées chez eux; leur langue se fixe. Après beaucoup d’hésitations, les Khalkhas, à la chute des Mandchous, adoptent l’alphabet cyrillique pour transcrire leurs textes littéraires et commencent à recueillir à leur tour les textes folkloriques et les légendes épiques qu’ils avaient conservés (Rintchen); ils constitueront une langue à la fois populaire et savante, qui est devenue le mongol officiel et a supplanté la vieille langue écrite qui s’était fixée au début du XVIIe siècle.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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